PAUVRETÉ ET PRÉCARITÉ DANS L’UNION EUROPÉENNE
CONFÉRENCE 28 MARS 2013 MAIRIE DU 7e
« PAUVRETÉ ET PRÉCARITÉ DANS L’UNION EUROPÉENNE »
Jean-Luc BENNAHMIAS
Député au Parlement européen
Commission de l’emploi et des affaires sociales
Introduction par Madame Antonia BLEY, Présidente du Pôle Européen.
Aujourd’hui, nous allons aborder un sujet complètement impensable il y a 10 ans : la pauvreté et la précarité dans l’Union européenne en gardant à l’esprit que cette progression de la pauvreté s’accompagne d’une progression parallèle et d’une concentration des richesses entre les mains d’un petit nombre au niveau mondial.
L’Europe qui a fait rêver les pères fondateurs promettaient paix et prospérité Avec ces objectifs, une belle dynamique d’union s’est installée dans ce qui est devenu la 1ère puissance économique mondiale. A partir de 2008, la crise née aux Etats-Unis a touché l’Europe et aujourd’hui se projeter dans l’union avec l’objectif du partage de l’austérité est bien plus difficile.
La réalité aujourd’hui : un Européen sur quatre est menacé de pauvreté ou d’exclusion sociale (120 millions. Eurostat décembre 2012)
Aucun pays européen n’est épargné : même l’Allemagne qui a l’économie la plus prospère de l’Union compte 11 millions de pauvres Le pays le plus touché est la Roumanie, et en zone euro la Grèce dont la population connaît aujourd’hui les plus graves souffrances infligées à un peuple en temps de paix.
La France se trouverait au milieu de la liste avec 8,2 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit moins de 954 euros (13 % de la population dont 1 enfant ou jeune de moins de 18 ans sur 5 (INSEE septembre 2012) et avec les précaires il y aurait entre 12 et 15 millions de personnes touchées.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Chacun comprend combien une telle situation est lourde de menaces, engendrant désespérance des populations, repli sur soi, perte des valeurs républicaines.
Au niveau des états un certain nombre de mesures ont été prises : pour la France, un plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale le 11 décembre dernier. Les associations quant à elles font un travail immense pour soulager les urgences et cela grâce aussi à l’aide de l’UE qui par son PEAD -plan d’aide aux plus démunis- fournit jusqu’à la moitié des ressources (restos du cœur)
Mais le PEAD a vécu et il prendra fin en décembre 2013. Son montant sur une période budgétaire de 7 ans était de 3,5 mds. Le fonds d’aide aux plus démunis qui prendra la relève à partir du 1er janvier 2014 appelle 3 observations.
-Son montant : on passe de 3,5 mds à 2,5 milliards alors que la pauvreté est en augmentation. Il manquerait donc 1 milliard
-2e observation : ce fonds va dépendre du FSE -fonds social européen- qui s’occupe de l’aide à l’emploi et va donc se retrouver en concurrence avec les aides à l’emploi, les dotations au FEAD -Fonds d’aide aux plus démunis- vont-elles se faire au détriment des autres actions pour l’emploi soutenues par le FSE ?
-3e observation : au titre du FSE, les aides européennes se font en co-financement des états ou des collectivités locales à hauteur de 15 % : comment vont faire les états ou les régions qui par définition ont le plus de pauvres pour soutenir un effort budgétaire supplémentaire de 15 % et alors que le mot d’ordre est à l’allégement des budgets publics ?
Pour nous informer sur ce sujet d’une actualité hélas brûlante nous avons fait appel à M. Jean-Luc Bennahmias.
Après avoir été journaliste, vous avez assumé des responsabilités politiques au niveau régional, vous êtes un des fondateurs du MODEM que vous co-présidez et vous êtes aujourd’hui député européen.
A ce titre et en votre qualité de membre de la Commission des affaires sociales et de l’emploi vous êtes expert dans ce domaine et au-delà de tous vos engagements politiques votre sensibilité sociale est de notoriété publique, c’est pourquoi nous sommes heureux de votre présence.
Conférence de Monsieur Jean-Luc BENNAHMIAS
Le Conseil européen a décidé de réduire de 3 % le budget de l’Union européenne. Le Parlement européen a refusé de voter le budget 2014.-2020 qui ne reflète pas « ses priorités et ses préoccupations ». Les moyens mis au service des institutions européennes pour intervenir et orienter les politiques s’en trouveraient par suite réduits. Il est à noter que dans la pratique, si un budget proposé par le Conseil n’est pas adopté par le Parlement européen, on reconduit le budget de l’année précédente.
En ce qui concerne les fonds européens pour les plus démunis, il avait été même proposé de ne pas les reconduire, certains états considérant que l’aide aux plus démunis ressort de la compétence des états membres et non de l’Union européenne.
Mais comme il est de tradition dans le fonctionnement des institutions européennes, le compromis l’a emporté. Le PEAD a obtenu un sursis pour l’année 2012 et 2013 : il bénéficie du même budget 500 millions annuels. Pour la période 2014-2020, le montant dépend de l’accord sur le Cadre financier pluriannuel, pour le moment le montant est de 2,5 milliards sur 7 ans.
Le problème est que la difficulté essentielle du lien social devrait être l’objet principal de toutes les politiques publiques, sous peine de dislocation de la société, de déstabilisation, de perte de crédibilité des politiques.
Les associations caritatives assurent quasiment un service public
Dans nos sociétés la lutte contre la pauvreté devrait être un axe prioritaire. Il faut répondre aux besoins essentiels, assurer une politique de l’emploi, permettre l’espérance.
Le budget européen est dépendant des états et son montant est modeste. En effet, le budget européen est alimenté par le PIB des états membres à hauteur de seulement 1 %. L’Union européenne ne dispose pas d’un budget propre. Pour alimenter un budget propre de l’Union européenne plusieurs pistes ont été proposées notamment l’instauration d’une taxe TOBIN qui n’a pas abouti car elle requiert un accord unanime des états, une augmentation du taux de la TVA de 0,1 ou 0,2 %. Rien de cela n’a encore abouti, mais une proposition de taxe sur les transactions financières est en cours : coopération renforcée de 11 membres de l’Union est en cours au Parlement européen.
L’existence d’un budget autonome et suffisant permettrait notamment d’envisager une politique de grands travaux au niveau européen et une politique énergétique centrée sur les énergies renouvelables.
On ne sortira pas de la pauvreté état par état mais par une politique délibérée au niveau européen avec cet objectif.
Dans l’affaire de Chypre, un plan de sauvetage proposant une taxation des dépôts bancaires dès le premier euro, révèle la déconnexion par rapport aux réalités. La proposition de ce plan a fait beaucoup de mal et provoqué des ondes de choc dans toute l’Europe.
Pour éradiquer la pauvreté, une politique de protection européenne serait souhaitable. Cela implique une politique industrielle, fiscale et sociale commune.
Il faudrait également résoudre le conflit entre la libre circulation des travailleurs et le droit de travailler.
En ce qui concerne les Roms, leur intégration dans le tissu social dans l’état actuel des choses semble difficile tant pour les Roms que pour les populations d’accueil. On aurait intérêt à s’orienter vers des cités de transits avec un système scolaire adapté ce qui rendrait alors possible leur intégration sans heurts.