BREXIT OR NOT : LE DILEMME BRITANNIQUE
CONFERENCE-DEBAT
25 novembre 2015 Mairie du 7e
« BREXIT OR NOT : LE DILEMME BRITANNIQUE »
Maurice NIVEAU
Recteur d’académie honoraire
Introduction par Mme Antonia BLEY,
Présidente du Pôle européen de Lyon et Rhône-Alpes.
Aujourd’hui nous allons aborder le Royaume Uni qui, dans un environnement de crise sans précédent de l’Union européenne et avec une vague d’euroscepticisme, a entrepris de renégocier son statut, avec la perspective d’un référendum sur son appartenance à l’Union, qui devrait se tenir dès 2016 et au plus tard en 2017.
Le Royaume Uni est membre de la communauté européenne depuis le 1er janvier 1973.
L’histoire des relations Royaume Uni-UE n’a pas été de tout repos car dès 1974, avec l’arrivée au pouvoir des travaillistes de Harold Wilson, le Royaume Uni a renégocié son statut d’adhésion et obtenu notamment une minoration de sa contribution au budget commun. Ce fut l’occasion d’un premier référendum sur son appartenance à la communauté européenne en 1975 qui a abouti à vote positif.
En 1984 Mme Thatcher est revenue à la charge pour obtenir une baisse de sa contribution au budget européen avec une formule demeurée célèbre « I want my money back ». Elle a obtenu gain de cause avec un rabais des 2/3 de sa contribution nette au budget européen.
Jusqu’aux années 1970-1980, l’essentiel des échanges économiques du pays se faisait avec les anciennes colonies, tout en conservant ses liens historiques avec les Etats-Unis. Avec la décolonisation, le RU s’est tourné peu à peu vers l’Europe.
Ce tropisme européen s’est d’ailleurs matérialisé dans la construction du tunnel sous la Manche, inauguré par Mme Thatcher et M. Mitterrand en 1994. Le tunnel a joué un rôle d’accélérateur dans la mutation économique du commerce extérieur du pays. Aujourd’hui, selon les statistiques Eurostat, 55 % des échanges du pays se font avec l’Union européenne, et des millions de voyageurs empruntent le tunnel chaque année.
Le Royaume Uni est le 3e état pilier de l’Union européenne :
5e puissance économique mondiale où siège la City qui dispute à New York la 1ère place financière, puissance nucléaire, et puissance stratégique, puisqu’il est l’un des deux pays de l’Union avec la France, susceptible de projeter une armée.
Le Royaume Uni a toujours su faire valoir ses différences au sein de l’Union et sa vision de l’Union européenne.
Le Royaume Uni apparaît comme un pays d’aspiration néo-libérale, aujourd’hui d’ailleurs très favorable à la signature du traité transatlantique. Il conçoit l’Europe comme une vaste zone économique de libre-échange susceptible de s’élargir au maximum et refuse toute harmonisation en matière fiscale. Il entend préserver sa souveraineté dans tout domaine jugé d’intérêt national.
C’est ainsi qu’il se trouve dans un statut particulier car il n’est pas membre de la zone euro, ni de l’Union bancaire, ni de l’espace Schengen.
Le premier ministre M Cameron a entamé les négociations avec ses partenaires européens le 3 novembre.
Quelles sont ces demandes ? Sont-elles acceptables par ses partenaires européens ?
Quelle peut-être l’issue du référendum avec quelles conséquences pour le Royaume Uni et l’Union européenne ?
Pour aborder toutes ces questions, nous avons invité un « expert » des questions britanniques que beaucoup d’entre vous connaissent au moins par sa signature sur leur diplôme, Monsieur Maurice NIVEAU
En effet, vous avez été Recteur de plusieurs académies, notamment de l’Académie de Lyon, mais aussi professeur de Sciences économiques à l’Université Lyon 2, doyen de la faculté de droit et de sciences économiques de Poitiers et directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale M. Beullac.
Nous sommes très heureux de vous accueillir et nous vous remercions de l’honneur que vous nous avez fait d’accepter notre invitation.
Conférence par Monsieur Maurice NIVEAU
« BREXIT OR NOT: LE DILEMME BRITANNIQUE »
Après une courte introduction sur l’évolution des rapports entre la Grande-Bretagne et l’Europe, de 1950 à son entrée dans le Marché Commun le 1er janvier 1973, l’exposé comporte deux parties :
d’abord une analyse des causes de la naissance et du développement de l’euroscepticisme en Grande-Bretagne ;
ensuite, le dilemme dans lequel se trouve le premier ministre, David Cameron, à la veille du référendum sur Brexit or not ? (Voulez-vous rester dans l’Union Européenne ou sortir de cette Union ?)
1-Les causes de l’émergence de l’euroscepticisme en Grande-Bretagne.
1) Les causes de l’opposition à l’Union Européenne et la volonté d’en sortir sont multiples. Le coup d’envoi de l’euroscepticisme dans la classe politique et dans l’opinion britannique a été donné par les rapports très conflictuels entre Jacques Delors et Margaret Thatcher. Dans deux discours, l’un prononcé devant l’Assemblée Européenne à Strasbourg en 1988, l’autre devant les syndicalistes britanniques réunis dans leur congrès annuel à Londres, en 1988, Delors a critiqué ouvertement la politique de madame Thatcher qui a ressenti, comme une attaque personnelle, les déclarations du président de la Commission de Bruxelles. Une partie de l’opinion publique britannique a commencé à s’interroger sur l’opportunité de participer au Marché Commun (CEE). L’euroscepticisme est né.
2) Deux autres événements très défavorables à l’image de l’Europe en Grande-Bretagne ont été le rejet par la France du projet de constitution européenne par le référendum du 29 mai 2005, et la position française favorable à l’adoption d’une politique sociale applicable à tous les pays membres. Or, les britanniques ont toujours refusé toute influence extérieure sur leur politique sociale.
3)la presse britannique, dans son ensemble, sauf The Guardian, et The Independent, et le Financial Times, a toujours publié, de 1950 à aujourd’hui, des articles de propagande anti-européenne. Cette véritable désinformation ne peut qu’encourager les sentiments eurosceptiques et la volonté de sortir de l’Union européenne.
4) Enfin, l’attachement des Britanniques au parlement de Westminster qui exerce le pouvoir suprême, aussi bien dans le domaine législatif que dans le domaine constitutionnel et le contrôle du pouvoir exécutif exclut tout abandon de souveraineté entre les mains d’institutions supranationales.
5) L’opposition radicale à l’immigration venue de certains pays de l’Union, en particulier de la Roumanie et de la Pologne, a amené le premier ministre et le gouvernement à s’opposer à la liberté de circulation des personnes à l’intérieur de l’Union. Ils remettent donc en cause l’un des principes fondamentaux de tous les traités européens.
2-David Cameron prépare un référendum sur la question :
Pour ou contre le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne. (BREXIT signifie : la Grande-Bretagne sort de l’Europe).
David Cameron est devant un dilemme. Quel que soit le résultat du référendum, l’opinion de la classe politique et de l’opinion publique en général demeureront divisées sur la politique européenne.
Conscient de ce risque, le premier ministre a prononcé, le 23 janvier 2013, un discours fondateur où il a exposé sa conception libérale et anti-technocratique de l’Union. Il a ensuite annoncé les conditions à remplir pour arriver à l’organisation d’un référendum :
a)Réformer l’Union européenne pour l’orienter vers moins de bureaucratie et plus de marché libre.
b)Après cette réforme l’Union devra signer un nouveau traité avec la Grande-Bretagne.
c)M. Cameron refuse l’un des objectifs fondamentaux de l’Union, à savoir : « créer une union toujours plus étroite entre les peuples de l’Europe ».
M. Cameron laisse entendre, en conclusion, qu’il est favorable au maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne si ces conditions sont remplies.
Pour mieux s’opposer à l’opinion eurosceptique dont l’importance ne cesse d’augmenter Mr Cameron doit démontrer qu’il défend, avec fermeté les intérêts du Royaume-Uni. C’est pourquoi il veut réduire l’immigration venue des pays de l’Union et qu’il hausse le ton dans les réunions du Conseil Européen, à Bruxelles, pour plaider fermement en faveur d’une réforme des traités existants vers plus de marché libre et moins de bureaucratie.
Au dernier sondage, en novembre 2015, 52% des personnes interrogées sont favorables à BREXIT, tandis que le même sondage en juillet dernier révélait que 55% était pour le maintien dans l’Union et 45% pour BREXIT.
Un examen attentif de la situation des négociations en cours à Bruxelles, entre les Britanniques et les 27 pays de l’Union, laisse apparaître une issue favorable pour les demandes de Mr Cameron. Le premier ministre pourra donc se lancer dans la campagne du référendum, en plaidant le maintien dans l’Union, car, grâce à sa fermeté et à son habileté, il a obtenu les réformes des institutions européennes comme il l’avait fermement demandé dans son discours du 23 janvier 2013.
Il reste les incertitudes inhérentes à tout référendum. La sagesse et la prudence excluent tout pronostic.